Portrait de Charlotte Tissoire, cheffe sommelière au Mondrian Bordeaux

Portrait de Charlotte Tissoire, cheffe sommelière au Mondrian Bordeaux

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Alors que l’Hôtel Mondrian Bordeaux Les Carmes souffle sa première bougie, nous avons le plaisir de rencontrer Charlotte Tissoire, la cheffe sommelière de cet établissement féérique au cœur du quartier des Chartrons. À travers cette interview, elle dévoile les secrets de son parcours, la place des femmes en sommellerie, ses critères de prédilection pour choisir un vin, comment elle parvient à marier les plus belles étiquettes avec la cuisine asiatique du chef Morimoto.

La ville de Bordeaux ne manque pas d’édifices grandioses, témoins de son histoire prospère. Il n’en demeure pas moins que, quand vous vous retrouvez devant le Mondrian, cela ne peut pas vous laisser indifférent.
Ce bâtiment colossal, à la sublime façade en pierre de Bordeaux, enchante le cours du Médoc, fief historique des négociants en vin, de toute sa superbe.

Après 5 années de travaux acharnés, les anciens chais de la Maison Calvet, datant du XIXème siècle, ont retrouvé leur prospérité d’antan avec cette réhabilitation en hôtel 5 étoiles, doté d’un restaurant asiatique raffiné, sous la houlette du célèbre chef japonais Masaharu Morimoto.

C’est dans la salle du restaurant Morimoto, à la fois grandiose et intimiste, authentique et contemporaine, comme sait si bien le faire l’incontournable Philippe Starck, que nous avons eu le plaisir de rencontrer Charlotte Tissoire.

Charlotte est une bordelaise d’adoption. Originaire de la région parisienne, elle est arrivée dans le sud de la Gironde, près de Langon, dès l’âge de 3 ans. Elle a tout naturellement suivi son cursus universitaire à Bordeaux, en Langues Etrangères Appliquées, en tombant, petit à petit, amoureuse du vin.
Mes parents ne sont pas dans la filière, bien qu’ils soient amateurs. Le vin fait partie intégrante du paysage bordelais. Je pense que mon appétence pour le vin est venue quand je travaillais pendant mes études au restaurant Le Petit Commerce.

Le destin a alors aidé Charlotte à suivre son chemin lorsque l’Université Montaigne a lancé une nouvelle spécialisation en Master 2 : Économie du vin et œnotourisme. C’est ainsi qu’elle a officiellement sauté dans le grand bain du vin. Après un stage de 6 mois chez un négociant et une saison de vendanges, elle a trouvé la formation de ses rêves à 25 ans, en sommellerie au lycée hôtelier. Ce fut la meilleure année de cours de toute ma vie !.

C’est à ce moment que les choses sérieuses ont commencé. Après un stage de fin d’études chez Pierre Gagnaire à Paris, elle a été recrutée dans son restaurant étoilé de Londres. Puis elle a souhaité revenir à Bordeaux, au moment de l’ouverture du Pressoir d’Argent, où sa candidature spontanée a été retenue pour le poste d’assistante chef sommelier. Depuis, elle a continué à gravir les échelons de sa passion jusqu’à rejoindre le Mondrian, il y a tout juste un an.

Partons à la rencontre d’une cheffe sommelière trentenaire à la silhouette gracile, exprimant une autorité bienveillante et une classe naturelle, qui incarne avec brio la carte des vins du Mondrian.

Charlotte Tissoire, cheffe sommelière au Mondrian - Crédit photo : Mickael Boudot
Charlotte Tissoire, cheffe sommelière au Mondrian - Crédit photo : Mickael Boudot

La WINEista : Qu’est-ce qu’une cheffe sommelière a de plus qu’une sommelière ?

Charlotte Tissoire : Les années d’expérience. Quand on sort de l’école, on est censé commencer par le statut de commis sommelier, puis sommelier, ensuite assistant chef sommelier, et enfin chef sommelier. Dans l’équipe, je manage un sommelier, un assistant et un alternant en sommellerie. Une cheffe sommelière est plus autonome dans le travail, elle a plus de connaissances.

L.W : Qu’est-ce qui vous passionne dans votre métier ?

C.T : Le vin ! Il fait partie intégrante de ma vie, c’est un métier de passion. Même pendant mes jours de repos et mes vacances, j’aime rencontrer des vigneronnes et vignerons, aller sur des salons, faire des dégustations à l’aveugle avec des amis. C’est un métier sans fin, il faut rester humble parce qu’il est impossible de tout connaître, c’est génial de découvrir toujours de nouvelles choses. L’autre facteur, c’est l’humain, faire vivre une expérience aux gens ça me comble de bonheur.

L.W : Combien de références compte la carte des vins du Morimoto ?

C.T : Aujourd’hui, il y a 850 références.

L.W : Comment avez-vous pensée cette carte des vins ?

C.T : Avec une volonté d’avoir une représentativité forte du bordelais, parce que je l’affectionne, que nous sommes ici dans des anciens chais, que nous sommes en lien avec le vignoble. La cuisine asiatique offre un vaste champ des possibles en termes d’accords mets et vins, j’ai voulu représenter toutes les régions de France, et avoir une jolie sélection de vins étrangers, avec 70 références. On est un lieu multiculturel, la carte des vins l’est aussi.

L.W : Quel est votre critère de prédilection pour choisir un vin ?

C.T : Je suis très ouverte, je choisis des vins de qualité. J’aime connaître le travail des vigneronnes et vignerons, c’est important pour moi de savoir qu’ils respectent leurs terroirs.

L.W : En quoi la clientèle d’un restaurant d’hôtel 5 étoiles est-elle différente de celle de la brasserie du coin ?

C.T : Elle est beaucoup plus exigeante. Même si le restaurant n’est pas étoilé, on a les standards d’un hôtel 5 étoiles à respecter.

L.W : Quelle est la remarque la plus agréable que vous avez reçu de la part d’un client ?

C.T : Mille mercis, vous nous avez fait vivre une expérience extraordinaire !

L.W : Et la plus agaçante ?

C.T : C’est quand une personne essaye de m’apprendre mon métier, alors qu’elle ne s’y connaît franchement pas. Cela ne m’est pas arrivé trop souvent, c’était en majorité des remarques masculines.

L.W : La parité est-elle d’actualité chez les sommeliers ?

C.T : Quand j’ai fait ma formation en 2013, on était autant de filles que de garçons. Il y a de plus en plus de femmes, mais nous ne sommes toujours pas à la parité. Alors que ce métier est extrêmement agréable, sans barrière liée à la force physique, il n’y a aucune raison qu’il soit plus masculin.

L.W : Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme dans cette profession ?

C.T : Je l’ai rarement senti. J’ai la chance d’avoir un fort caractère, que je me suis forgée en travaillant dans la restauration dès 17 ans. Je sais me faire respecter et me faire entendre.

L.W : Quel est votre accord mets et vins chouchou du moment ?

C.T : Le angry chicken, le poulet en colère, parce qu’il est épicé, très parfumé. Le chef a revisité le poulet tandoori. C’est un accord génial avec un Saint-Joseph blanc, en 2007, qui est d’une richesse et d’une complexité en bouche incroyables.

L.W : Quelle est la couleur qui se marie le mieux avec la gastronomie asiatique ?

C.T : Le blanc, pour toute la diversité qu’il nous offre. Avec les sushis, les makis, et particulièrement les sashimis, il y a de très beaux accords à faire avec le rosé. Aujourd’hui, on stigmatise encore trop cette couleur. J’ai fait une belle carte de rosés, avec plein de profils différents, des vieux millésimes, des rosés de gastronomie, élevés en fûts de chêne.

Lisez notre article : Quels vins boire avec des sushis ?

L.W : Les grands crus de Bordeaux, notamment en rouge, sont-ils bien adaptés à cette cuisine ?

C.T : Ce n’est pas évident, c’est un défit de tous les jours. Il faut jouer avec des millésimes plus jeunes, des rouges plus nerveux, plus fruités, peu marqués par le bois. Ou des Bordeaux plus traditionnels sur des millésimes plus évolués, qui ont des notes tertiaires sur les épices.

L.W : Avec le fromage, vous êtes plutôt vin blanc ou vin rouge ?

C.T : Vin blanc. Il y a 97% des fromages qui vont mieux avec les blancs. Il faut déconstruire les schémas de pensée traditionnels, je n’ai aucun mal à l’expliquer.

Lisez notre article Le fromage, c'est souvent mieux avec le vin blanc.

L.W : Pensez-vous qu’il y a des plats avec lesquels on ne peut boire que de l’eau ?

C.T : Non. Même si c’est parfois plus compliqué, comme avec le poireau ou une salade de tomate burrata, je vais toujours me débrouiller pour trouver le vin qui va bien.

L.W : Selon vous, quand peut-on dire qu’un accord mets et vins est réussi ?

C.T : Quand le plat est délicieux, que le vin est très bon, et que la combinaison des 2 transcende l’un comme l’autre. Quand un accord mets et vins est réussi, il fait l’unanimité !

Rencontrer une personne dont le regard s’illumine quand elle parle de son métier est toujours un beau moment de partage. Merci, Charlotte, pour votre sincérité.

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