Le vin des îles françaises : Oléron, Saint-Tropez, Porquerolles

Bien sûr, il y a la Corse qui contient à elle toute seule l’expression des terroirs de tout un pays mais sur d’autres îles aussi, on cultive la vigne avec tout ce que le climat et le sol apporte et suppose pour que l’identité insulaire émerge. Du bonheur au travail aux conditions climatiques, petite sélection des vignes bercées par les embruns.

Oléron, une mosaïque de terroirs

La famille Mage est une des plus vieilles familles de l’île, et sur Oléron, de tradition, toutes les familles avaient de la vigne, même celle des pêcheurs. On sait que des ceps sont plantés là bas depuis le 3^ème siècle. D’un vignoble de 4000 hectares pré-phylloxériques, l’île est aujourd’hui à 906 dont 32 hectares chez les Mage qui se considèrent comme alternatifs : On travaille la re-fertilisation des sols avec des couverts végétaux raconte Sandra Mage On a replanté des haies, on fait venir les moutons dans les vignes, on utilise du paillage forestier et surtout des algues ramassées en haute mer qui contiennent du bore, essentiel notamment pour rendre la vigne plus résistante.

Un fort engagement qui vient d’un attachement à ce territoire précieux dont il faut pourtant apprivoiser les particularités : Nous avons des tempêtes de vent salé qui peuvent brûler notre vigne. Les haies servent à nous en protéger. Et puis cette île est une mosaïque de micro-terroirs et c’est étonnant. Sa colonne vertébrale, c’est la départementale qui la divise en 2. Et bien croyez le ou non : de chaque côté, les terres n’ont pas la même acidité ni la même pluviométrie. Entre Saint-Pierre et la Cotinière, sur un même cépage, on peut avoir une semaine de décalage de maturité.

Dans les 9 cuvées du Domaine Mage on trouve 4 cuvées spéciales qui dénotent davantage des saveurs iodées du terroir mais aussi d’une cuvée toute spéciale, Méditation, un 100 % Colombard travaillé avec la part du diable (fûts imprégnés de Sauvignon d’une autre cuvée) pour lui donner un goût toasté hors des sentiers…

Saint Tropez, le soleil de la Méditerranée

Sur la chic Côte d’Azur, se dresse un vignoble pas tout à fait insulaire mais qui en a pourtant tous les attributs par sa proximité avec la mer. Dans la plaine de Ramatuelle, sur la presqu’île de Saint Tropez, le domaine Fondugues Pradugues tenu par Bastien Mounier est à 800 mètres de la plage et les vignes poussent sur un sol sablo-limoneux. C’est au cœur de ce paysage arboré de pins parasols, d’oliviers et de chênes, que les pieds de Rolle - connu aussi comme le Vermentino - et de Chardonnay s’épanouissent de leurs 300 jours de soleil par an : J’ai repris le domaine à un ami en 2022 et je ne serai jamais parti ailleurs. Nous ne sommes pas perdus dans un océan de vignes et notre cadre de travail est idyllique avec la mer, le soleil et le recul que nous avons vis à vis de la côte très touristique.

Leur cuvée de blanc Le Lys des sables, hommage à ce fameux terroir est surprenante, originale avec une acidité extrêmement bien maîtrisée qui sur la fin de bouche donne à raviver certaines balades sur les dunes : « L’influence du sable apporte une salinité et une fraîcheur à la cuvée sur laquelle nous faisons pourtant la malolactique. Et la végétation, le reste apporte des saveurs fleurs blanches et pêche. Nous recevons les embruns et parfois la pluie mais cela sèche rapidement. On échappe donc au mildiou et à l’humidité.

Et qu’en est-il du climat toujours plus chaud de la Méditerranée ? : Notre climat est facile et c’est pour ça que nous sommes déjà quelques uns à être en bio. Même les problèmes de sécheresse sont rares car comme nous sommes dans la plaine, nous avons facilement accès à la nappe phréatique qui se trouve en dessous.

Un domaine familial, travaillé au cheval de traie qui donne envie de voyager !

Porquerolles, l’autonomie bénie

Dans les années 80, sur cette belle île du Var, au cœur du Parc National, Henri Vidal, plante son rêve d’architecte et d’amateur de vin en créant le Domaine de la Courtade.

Depuis racheté par la famille Carmignac, les 40 hectares bercés par la mer ont toujours pour optique de dénoter en surprenant. Florent Audibert en est le vigneron attitré, il parle d’un réveil du lieu : Le vignoble est en bio depuis 1997 ce qui est plutôt rare. Et nous s’amuse avec la biodynamie car elle nous apporte des outils quand le bio nous apporte des interdictions. Notre statut insulaire nous oblige à nous débrouiller par nous mêmes alors on cherche comment réduire notre empreinte carbone, nos temps de trajets etc.

Pour se faire, l’équipe enfouit de la matière organique pour la réutiliser par la suite, composte son marc de raisins pour le réintégrer dans les sols et elle fait maintenant embouteiller son vin à l’embarcadère du continent ce qui lui a fait réduire sa logistique de transport au moins par 2 : On est dans un lieu protégé de 21 kilomètres carrés sur schistes alors l’idéalisme de l’autarcie est amusante reprend Florent Audibert. La mer marque notre quotidien : elle impacte notre organisation. Quand je suis arrivé il y a 10 ans je trouvais ça terrible et énergivore. Aujourd’hui, je pense que ce n’est plus une contrainte mais c’est le terroir. Cette indépendance avec le continent se retrouve dans notre esprit.

Côté vin le terroir est donc unique : pas de pic de température, moins de stress hydrique et des saveurs de menthe et d’eucalyptus marquées à la dégustation du fait de leur grande présence végétale sur l’île. Et l’aspect salin qui revient conté d’une autre manière : Nous avons des embruns qui viennent se déposer sur les baies et qui créent des amers marqués, salivants avec une minéralité particulière. Pour retrouver ce bouquet prometteur, la cuvée de blanc de terroir Les Terrasses de Courtade qui se veut la moins interventionniste possible.

Les petites îles ont des climats bien particuliers qui créent une singularité très bien résumée par Bastien Mounier du Domaine Fondugues Pradugues qui vit pourtant sur le continent : Ce sont des vignobles et des terroirs moins connus du public pour l’instant : on a sûrement ce point commun de se sentir libre de pratiquer une viticulture décomplexée, qui ne souffre pas du poids de son histoire.

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