Actes malveillants dans le vignoble : l’expression d’une crise de la filière

Actes malveillants dans le vignoble : l’expression d’une crise de la filière

Chaque période de crise voit fleurir les actes malveillants. Vols, dégradations : la filière viticole n’est pas épargnée. Vol d’outils, de carburant, de piquet de vignes, de cuivre dans les distilleries… Personne n’est épargné : viticulteurs comme négociants ont vécu récemment des expériences désagréables. Le cognaçais, en proie à un contexte économique compliqué, traverse des heures sombres.

Des pieds de vigne sectionnés : des années de travail gâchées
Des pieds de vigne sectionnés : des années de travail gâchées

Tensions et dégradations

Déjà en 2023, le vignoble de Cognac déplorait larcins et dégradations touchant la filière viticole. Les choses ne se sont pas tellement apaisées, et en mai 2025, face à la recrudescence des vols qui se multiplient de nouveau, la gendarmerie expérimente une nouvelle arme de prévention avec la mise en œuvre d’une patrouille montée : la vue en hauteur depuis le cheval y est meilleure pour survoler les vignes du regard et embrasser le paysage. Et si en plus cela peut dissuader…. Hélas, le sort de la nuit, qui reste cachée derrière les œillères du jour, échappe à la surveillance de la maréchaussée.

En cette nuit du 12 avril 2025, éclairés par la pleine lune, des individus se faufilent entre les vignes de Stéphane Branchaud, viticulteur et producteur de cognac à Ozillac, et en coupent 600 pieds…
Cet acte ne sera jamais revendiqué, mais deviendra l’étendard d’un mal-être et d’une crise qui s’immisce dans le vignoble.

600 pieds de vignes coupés au sécateur, 4 ans de travail perdu

A l’origine, il ne voulait pas en parler. Parce qu’on règle ses affaires à la maison, pour ne pas semer le vent de la généralisation et entacher le vignoble et les collègues d’une image négative… mais le besoin de soutien et d’exprimer sa frustration et son amertume pour les rendre plus légères. Ce que fit Stéphane dans une courte vidéo sur ses réseaux, à destination de son réseau. Ce dernier, fit honneur à ses confessions au-delà de ses espérances, ce qui fut le bon côté de l’affaire et donna un peu de baume au cœur de ce vigneron.
La nouvelle s’ébruite, le message se répand, et finalement, Stéphane se dit que la cause de la solidarité vigneronne mérite d’être défendue (lire notre article Vigneronne/vigneron, un métier difficile qui fait pourtant rêver.

Certes, perdre du matériel végétal pour lequel on a travaillé et qui contient une partie de la recette d’une exploitation, c’est déjà déstabilisant. Mais son amertume réside surtout dans l’absence de solidarité qui menace de gangréner le milieu viticole, au manque de respect pour le travail de toute une équipe, pas seulement le mien, et puis pour le Cognac !.

Stéphane ne comprend pas bien. Si depuis avril 2025, la colère est un peu retombée, ses interrogations flottent toujours dans l’air, au-delà de l’identité des délinquants, l’acte étant courageusement non-revendiqué.

Lui qui n’est ni syndiqué, ni politisé, bosseur, passionné, prêt au débat, investi dans son métier, pour son végétal, pour ses vins, peut-être trop ? C’est vrai que j’ai investi pour moderniser mon exploitation, que je reste fidèle à mes acheteurs, que j’ai choisi de planter récemment au lieu d’arracher, comme d’autres de mes collègues, est-ce que cela a envoyé un signal de facilité quand d’autres galèrent ? Mais quand bien même…. Rien ne justifie cet irrespect, de notre travail comme de la plante, et cette lâcheté.

Un contexte commercial tendu et des perspectives sombres

Les tensions commerciales actuelles ont déferlé ces derniers mois sur la filière Cognac tel un tsunami. Entre l’Est et l’Ouest, la filière Cognac est prise dans un étau commercial clairement en sa défaveur. Côte oriental, c’est la Chine qui la malmène, en punissant les brandy européens suite à une mesure de l’UE contre le dumping à l’égard des voiture électriques Chinoises. La punition est sévère : au 4 juillet 2025, le ministère du commerce chinois annonce que le droit moyen applicables aux eaux-de-vie de vin, brandies et marc de l’UE sera de 32,2% (légèrement inférieur toutefois à celui en cours depuis octobre 2024).
Déjouant l’histoire, le vent de l’ouest est similaire avec les menaces "trumpiennes" (comme par exemple les 20% de droits additionnels supplémentaires sur l’ensemble des produits européens annoncés le 2 avril 2025). Si l’homme est désormais coutumier des menaces proférées à l’encontre de la filière viticole et des spiritueux français, la conjonction est-ouest jette une ombre à un tableau déjà bien obscurci.

Les vignobles inégalement touchés

Toutefois, comme chaque crise, elle touche différemment les uns et les autres. D’un vignoble à l’autre pour commencer. Les producteurs de vins, et notamment ceux dont le marché à l’export n’est pas essentiellement centré sur les US et la Chine, s’en sortent mieux. Ainsi, Inter Rhône ne déplore pas d’incidents récurrents ni de situation qui se révélerait préoccupante, mis à part des dégradations marginales qui ne touchent pas autant l’outil de travail du vigneron.
Bordeaux souffre davantage, puisque son premier marché d’exportation en volume et en valeur est le marché américain.

Crédits photos : Stéphane Branchaud - Distillerie de la Gasconnière

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